Elles sont presque toujours incapables de me porter. Je ne peux donc pas me déplacer seul. Pourtant, par moment, mes jambes décident de donner des coups de pieds. Elles se tendent toutes seules, cela me surprend et puis parfois, cela me fait mal. En général, petit je suis dans un buggy et dans un siège coquille lorsque je grandis. Cela me permet de me donner une meilleure vision du monde, d’être assis comme tout le monde. Parfois, j’aimerais en sortir, et sentir le contact d’autre chose que ce truc en plastique dans mon dos. En fait, c’est surtout ça, je n’ai pas de muscles, alors rien en moi ne tient, et si on me laisse sans appui et bien je m’effondre. Cela vous fait peur. Cela me fait peur.
Comme tout le monde. Seulement voilà, ma tête a du mal à tenir dressée. Elle tombe. Bien sûr, si on me demande de la tenir, j’y arrive s’il semble que cela fait plaisir à quelqu’un. Bien souvent, je ne suis pas capable de retenir ma salive, je bave comme un bébé que je ne suis plus. Souvent, j’ai du mal pour avaler, et si on me donne des morceaux, eh bien j’avale tout rond et je risque de m’étrangler. Alors on me donne de la nourriture mixée. J’ai mes goûts et mes dégoûts et ce n’est pas facile de me faire plaisir. Je ne peux m’exprimer qu’en fermant la bouche ou en tournant la tête. Comment faire comprendre que j’ai faim ou que ce n’est pas bon ? Je suis incapable d’articuler des sons, alors je ne parle pas. Est-ce que cela veut dire que je ne comprenne rien, ni que je n’entende rien de ce qui se passe autour de moi, de ce que l’on dit de moi, de ce que l’on pense de moi?
Mes mains sont en général incapables d’attraper et de tenir quoique ce soit. Pourtant, mes mains sont bien souvent dans ma bouche, et parfois, je peux m’opposer à celui ou à celle qui veut me donner à manger, car je ne suis pas capable de m’alimenter seul. Je suis totalement dépendant.
Heureusement, je suis capable de dire un tas de choses avec mon regard. Une autre difficulté avec moi, c’est que je ne bouge pas ou si peu, on dit que je n’ai pas de motricité en conséquence… je me constipe facilement. Qui vous dit que je ne souffre pas de ne pas pouvoir courir, de ne pas attraper, de ne pas pouvoir me défendre, de ne pas pouvoir parler de ce que je sens ? Qui vous dit que je ne me rends pas compte des changements qui arrivent dans mon corps lorsque je grandis ? Une force pour moi, c’est que je sens et ressens les émotions, les conflits, les sensations de ceux que j’aime le plus. Je suis, envers et contre tout un être vivant, puisque d’une certaine manière je ne me suis pas laissé mourir à certains moments de ma vie, ces moments qui justement m’ont rendu différent. Parfois quand je me raidis, je vous dis quelque chose, j’ai peut-être mal dormi, mon corps me fait mal partout et je crains que vous me fassiez encore plus mal… Je sais que mes mouvements stéréotypés ont très mauvaise presse, mais je n’y peux rien. Ce sont des mouvements, les seuls qui m’appartiennent en propre, que vous n’arrivez pas à imiter, les seuls que d’une certaine manière je peux contrôler et qui me rassurent. Là, je suis enfin propriétaire de quelque chose. C’est vrai, je suis peu outillé, parce que mon cerveau a beaucoup souffert depuis ma naissance, et parfois même avant, pour décoder le monde ! J’ai peu de moyens pour comprendre que ce qui m’entoure, et que ce n’est pas si mauvais. Mais, comment voulez-vous que je comprenne que la kiné, que les interventions, c’est bon pour moi, alors que ça me fait mal, et que je ne comprends à quoi ça sert. Il faut que vous sachiez que même si mon cerveau est différent, la douleur, la souffrance, je connais. Seulement, j’ai très peu de moyens de vous dire où j’ai mal, ce qui me fait mal. A vous de trouver !
C’est difficile à expliquer. Ce qui est certain, c’est que mon cerveau présente même si on n’est pas toujours capable de les trouver, des lésions. Parfois, je suis né trop tôt et je n’ai pas pu respirer correctement, alors mon cerveau a souffert et c’est irréparable. Parfois, j’ai attrapé un virus qui est venu attaquer mon cerveau et a fait des dégâts. Bien souvent, on ne sait pas pourquoi je suis comme cela. Il est possible qu’il y ait de la génétique là-dedans ! Et puis, j’ai des parents qui un jour ont entendu quelqu’un leur dire que j’avais un problème, que je ne me développerai jamais comme un autre enfant, que je n’irai jamais à l’école, que jamais je n’apprendrai à lire. De ce choc-là, il y a de fortes chances qu’ils ne se remettent jamais. Mes parents à moi, sont blessés à vie! Je pense que vous avez deviné… Je suis un enfant qui vit, grandit et sourit dans cette maison qui s’appelle le Creb.
Nous sommes reconnaissants envers les associations et entreprises partenaires qui nous accompagnent dans notre mission. Parmi elles, nous tenons à mentionner :